Les premiers bergers des Cévennes à l’origine du pastoralisme

Les ancêtres des premiers paysans et bergers des Cévennes provennaient de la région du Croissant Fertile,  au Proche-Orient, où a eu lieu la transition Néolithique il y a 9600 ans avt JC. Cette transition est marquée par la sédentarité, la domestication des plantes, donnant l’agriculture, et celle des animaux, donnant l’élévage.

Les moutons ont été domestiqués dans le sud-est de l’Anatolie, il y a 8500 ans avt JC. Puis, les premières communautés agropastorales ont migré par saut vers l’Europe avec leurs animaux domestiques, leurs graines, leurs langues et leurs cultures. Ils ont suivi plusieurs voies de migration, dont l’une maritime et terrestre le long de la Méditerranée, et sont arrivés en Italie puis dans le sud de la France à partir de 5 800 avt. JC. Cette première vague de migration (culture Impressia) est suivie d’une deuxième vague de migration (culture cardiale) qui s’étend vers à l’intérieur des terres entre 5400 et 5250 ans avt. JC.

Les premiers bergers des Cévennes sont avant tout des cultivateurs, l’élevage étant l’une de leur activité de subsistance. Les traces attestées les plus proches de leur implantation est au Taï, à Remoulins à côté du Pont du Gard. C’est un site d’habitation, occupé toute l’année, qui date de 5 270 à 4 990 avt JC (culture épicardial).

Au Taï, la communauté agropastorale évolue au sein d’une forêt méditerranéenne d’où elle puise les ressources et cultive les espaces ouverts qu’elle a, en partie, aménagée. Leur système agricole est intensif et mixte ,avec un travail du sol et de désherbage, où l’élevage fournit la fumure.

Les bergers utilisent les ressources de la forêt méditerranéenne environnante. L’alimentation des bêtes en hiver est composée de fourrages secs, feuilles, fleurs et bourgeons de certaines variétés d’arbres et d’arbustes (chênes, noisetiers, érables…). Ces ressources forestières sont également utilisées comme litière et pour l’hygiène (buis, sapins, ifs…).

Les grottes sont souvent des sites de production avec des traces d’exploitation laitières alors que les sites en plein air sont souvent des lieux d’abatage des agneaux à leur poids optimal. On retrouve toute la planification des activités des éleveurs : gestion différentiée du troupeau, fourrage, contrôle de la saison de la reproduction et d’agnelage, mobilité, production et probablement échanges des surplus de viande et de lait.

Les grottes-bergeries sont aussi utilisées pour l’agnelage qui a lieu généralement au printemps et en été, mais les éleveurs pratiquent les reports de mise bas et l’agnelage en automne dès cette époque. L’agneau d’automne a été permis d’une part, par les conditions climatiques méditerranéennes favorables avec des précipitations importantes en automne et en hiver, et, d’autre part, par l’apport de fourrage hivernal afin de maintenir un bon poids corporel pour l’accouplement au printemps suivant. Il est aussi le signe d’une gestion des interactions femelles et mâles au sein du troupeau, probablement en séparant les deux sexes et en les réunissant vers la fin de la période de fertilité.

Les paysans éleveurs du Néolithique occupent des sites variés pour différentes fonctions et durées, même en haute altitude. Dès cette époque, des déplacements saisonniers des troupeaux à haute altitude et une saison de reproduction prolongée des moutons est démontrée dans les Pyrénées. Mais l’on ne connait pas l’ampleur de ces déplacements, ni la taille des troupeaux déplacés, ni le statut des éleveurs en déplacement. Ainsi parler de transhumance est encore un sujet débattu pour cette époque.

Depuis le Néolithique, l’impact des troupeaux sur le paysage (déforestation, érosion des sols) n’a cessé d’augmenter en altitude.

À l’âge du Bronze et à l’âge du Fer, les pratiques d’élevage se sont diversifiées et spécialisées. Les basses terres de l’Est du Rhône se sont spécialisés dans le pastoralisme au 1^er siècle avt JC avec un maximum au 2^e siècle après JC, où près de 100 000 moutons broutaient dans la plaine de Crau. Les plus anciennes preuves écrites de l’existence d’une transhumance trouvées concernent le sud de l’Italie et date de cette période.

Mais ce n’est qu’à partir du XIIIe siècle que le système de transhumance comme celui connu actuellement est attestée dans les écrits dans la plaine de Crau.

Dans l’arrière pays niçois le système de transhumance estival et hivernal entre la Provence et les Alpes n’est signalée dans les archives qu’à partir du XIIe siècle.

Publications scientifiques

• Battentier, J., 2018. Gestion des espaces forestiers provençaux et ligures au Néolithique : approche anthracologique. Thèse de doctorat, Université Côte d’Azur, Nice, p. 432.
• Delhon C., Martin L., Thiébault S. – 2023 – Neolithic shepherds and sheepfold caves in Southern France and adjacent areas: An overview from 40 years of bioarchaeological analyses, Quaternary International,Volumes 683–684, pp 61-75.
• Helmer, D., Gourichon, L., Sidi Maamar, H., Vigne, J.-D., 2005. L’élevage des caprinés néolithiques dans le sud-est de la France : saisonnalité des abattages, relations entre grottes bergeries et sites de plein air. Anthropozoologica 40 (1), 167–189.
• Manen C. (dir), 2022 – Les premières sociétés agropastorales du Languedoc méditerranéen. Le Taï (Remoulins – Gard). Toulouse, Archives d’Écologie Préhistorique, 2 volumes, 922 p.
• Perrin T., Manen C., Valdeyron N. et Guilaine J.. Beyond the sea… The Neolithic transition in the southwest of France. Quaternary International, 2017, 470, pp.318 – 332.
• Tornero, C., Balasse, M., Bréhard, S. et al. Early evidence of sheep lambing de-seasoning in the Western Mediterranean in the sixth millennium BCE. Sci Rep 10, 12798.